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LES PHARAONS EN NUBIE

 

LES PREMIÈRES EXPÉDITIONS

IIIè à VIè DYNASTIE

 

Quelques traces datant de l'époque thinite (3100-2650 av. notre ère) semblent révéler que déjà des expéditions égyptiennes au-delà de la 1ère cataracte avaient été organisées par les rois Aha et Djer (Ière dynastie). L'intérêt pour les terres en amont de la deuxième cataracte s'affirme dès l'Ancien Empire (2650-2140 avant notre ère). En quête de matières premières nécessaires à la cour, les pharaons conquérants commencent par envoyer des explorateurs, conquièrent et pacifient les terres tribales pour exploiter finalement les ressources convoitées en assurant les routes caravanières.

 

Djeser

D'après la "stèle de la famine" (texte d'origine ptolémaïque) retrouvée sur l'île de Sehel, Djeser vers 2770 avant J.C., aurait conquis la région entre Assouan et Amada, zone qui sera appelée par les Grecs le Dodécaschone soit 120 kilomètres. Selon le texte, légendaire ou pas, suite à l'absence de crues pendant sept années, une famine se produisit en Égypte. Djeser, instruit par Imhotep, fit de grands sacrifices à Khnoum, dieu d'Éléphantine. Le fleuve se fit à nouveau bon et en reconnaissance, le pharaon offrit à Khnoum la région nubienne comprise entre Assouan et Amada, ce qui nous laisse déduire, que la région était déjà rattachée à la couronne.

 

D'après la "Pierre de Palerme", Snefrou (2573-2549 av. n.è.) rapporta d'une campagne militaire en Nubie "7000 prisonniers et 200 000 bêtes", issus vraisemblablement du royaume agricole du Kerma. Le texte relate également la construction de nombreux bateaux nécessaires aux expéditions en Nubie.

 

Khoufou

 

Sous la IVème dynastie, les monuments de Khoufou et les statues de Khaphrê sont le témoignage de prospections dans les carrières de diorite en Nubie. Les blocs de pierre pouvaient être transportés soit par voie terrestre (empruntant les premières pistes caravanières) soit par voie fluviale (les bateaux étant sans doute déjà conçus pour convoyer de lourds blocs sur le Nil).

Pépi I

Il semble bien que Pépi I (2280-2243 av. n.è.) soit à l'origine de la colonisation de la Nubie. En confiant à Kar, nomarque d'Edfou, le titre de préposé à l'ouverture de la porte d'Éléphantine", il recevait ainsi les dernières nouvelles des pays nubiens, étudiant ainsi une politique d'expansion vers le Sud.

Pratiquant une politique vigoureuse en Nubie, il confia à Ouni (au titre de "Gouverneur du Sud") la tâche suivante : obliger les Nubiens soumis à fournir des contingents composés des célèbres archers du pays de Ta-Sety, contingents qu'il utilisa pour mater les bédouins rebelles ou encore les récalcitrants du Nord du pays.

Les échanges entre la Nubie et l'Égypte s'intensifièrent et les princes d'Assouan devinrent dès lors de véritables ambassadeurs-explorateurs, tel le célèbre Hirkouf, qui sous Pépi I, Merenrê et Pépi II, dirigea pas moins de quatre voyages successifs

 

Le souci principal du successeur de Pépi I, Merenrê, fut de continuer la politique d'expansion vers le Sud. Dès la première année de son règne, il remonta jusqu'à Éléphantine "où il reçut les hommages des chefs nubiens". Il assura par ailleurs la mise en place et la sécurité de la route commerciale entre le pays de Yam et Éléphantine, en envoyant en émissaire le nomarque Iri et son fils, le célèbre Hirkhouf.

 

Pépi II enfant. Statue en albâtre  Musée de Brooklyn

Les inscriptions trouvées dans la nécropole princière en face d'Assouan, sont une importante source d'informations, relatant les exploits de ces "Directeurs des Étrangers". Dans la tombe de Hirkouf (dont on retrouve gravé le titre de "chef des caravanes qui apportent à leur seigneur les produits des provinces"), on peut y lire ce texte biographique révélateur. Il s'agit d'une lettre de Pépi II, au tout début de son règne, adressée à Hirkouf (le pharaon semble âgé de 10 ans) qui au cours de sa quatrième expédition au pays de Yam ramena un pygmée, une sorte de nain danseur, suscitant la curiosité du jeune pharaon :

"Tu dis dans ta lettre que tu as amené un pygmée du pays des habitants de l'horizon, comme le pygmée amené par le porteur du sceau royal Ba-wer-ded, en provenance de Pwéné, à l'époque d'Isési.......Et tu dis à ma Majesté que jamais auparavant à lui n'avait été ramené par quiconque ayant visité le Yam........Viens au Nord, au palais, immédiatement ! Fais vite et amène le pygmée avec toi. S'il descend avec toi en bateau prends des gardiens qui devront le surveiller sur le pont de peur qu'il ne tombe à l'eau. Aussi, place des gardes autour de sa tente la nuit et inspecte-le dix fois durant la nuit ! Ma majesté désire voir ce pygmée plus que tous les tributs du Pays des mines et de Pwéné..."

 

Toutes les expéditions ne furent pas aussi chanceuses que celles d'Hirkhouf.

Mekhou, Seigneur d'Éléphantine, fut tué en Wawat par les rebelles puis vengé par son fils Sebni.

Quant à Pepinakht, autre nomarque d'Éléphantine, après un grand massacre, il ramena du Wawat et du Irthet de nombreux prisonniers et otages (essentiellement les fils des chefs nubiens), ce qui n'arrangea pas les relations entre les deux régions.

Ce que l'on peut toutefois affirmer, c'est que sous le long règne de Pépi II (d'une durée d'environ 90 ans), la politique de colonisation de la Nubie s'intensifia, le souci majeur étant d'assurer la sécurité des routes. Les expéditions n'étaient certes pas sans danger. "Les Nubiens, exploités et peut-être maltraités par les Égyptiens, se révoltèrent parfois". Les bateaux navigant vers le pays du Pount furent même parfois attaqués par des Arabes nomades. Mais les échanges commerciaux se développèrent considérablement.

Les souverains de l'Ancien Empire inaugurèrent ainsi une politique expansionniste, matant et pacifiant le Wawat (pour l'or et pierres précieuses), le Koush (pour essentiellement les denrées de luxe), le Yam et le Pwéné (ou Pount). Mais les relations se dégradèrent vers la VIème dynastie, le pouvoir étant tombé aux mains des différents nomarques, de plus en plus puissants, défiant l'autorité du pharaon.

Durant la 1ère Période Intermédiaire, la présence égyptienne en Nubie fut nulle. Il faudra attendre le Moyen Empire (2040-1780 av. n.è.) pour qu'à nouveau la Nubie soit annexée à la terre des Pharaons.

Ressources :

  • "Le Secret des Temples de Nubie" de C. Desroches Noblecourt
  • "L'Empire des Ramsès" de C. LALOUETTE
  • "Les peuples de l'Orient méditerranéen" de Drioton et Vandier
  • "Vie des Pharaons illustres" de P. MONTET