Alors comment peut-on parler d'identité
lorqu'il s'agit des Nubiens ? Les caractères essentiels de la nubianité ne
sont pas la langue ou la religion, mais l'Antique
Nubie comme "lieu d'origine commun" aux trois principales
ethnies qui composent les Nubiens (Kenuz, Fadidja, Arab) et l'expérience
migratoire propre à ce peuple.
Depuis toujours, la Nubie disparaît
et d'autres Nubies sont créées dans des espaces inoccupés
(comme en Égypte) ou sur des terres tribales (tel au Soudan). Les
Nubiens s'installent donc dans des régions qui ne portent aucune
trace de leur histoire.
"Chercher
à définir la société nubienne revient donc
à travailler sur le paradoxe apparent d'une population non nomade,
dont le territoire se transforme au für et à mesure des migrations
en englobant un pays mythique qui lui-même se déplace et
se reconstitue". F. Fogel
La culture matérielle de la Nouvelle
Nubie est fondamentalement liée aux barrages (1891 dit "Barrage
des Anglais", 1907-1912, 1929-1934 où la digue est plusieurs
fois réhaussée et 1960, le "Saad-el-Ali").
Adeptes des migrations temporaires, les Nubiens
subissent finalement un transfert *ultime.
La Nouvelle Nubie s'est donc mise en place inconsciemment dans les
esprits et dans les espaces pour aujourd'hui être une réalité
absolue.
C'est ce déplacement de population définitif
qui a suscité la prise de conscience d'une identité
nubienne. Un peuple est né, même si aucun espace ne
peut lui être assimilé. Frédérique Fogel
va jusqu'à dire que les "Nubiens ne sont Nubiens
que sous la pression de l'extérieur". L'histoire
du peuple a été pour un temps supsendu. N'ayant plus
aucun repère, les Nubiens ont pour un temps cessé
rites, mariages et migrations.
Aujourd'hui, le transfert est intégré
à l'histoire des Nubiens. Même si quelques anciens
expropriés accusent Nasser d'avoir détruit le "pays
d'en haut", le mythe du barrage figure dans les nouveaux contes
nubiens, ces récits de migration vieux comme le temps.
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Et l'on rencontre encore des Nubiens aux rides marquées
par le soleil du "Pays d'en Haut" qui vous diront que les Nubiens
sont à l'origine du "peuplement de la région comprise
entre Philae et Abou Simbel" (frontières symboliques de
la Basse Nubie). Tout en se référant aux monuments de l'Antiquité
de l'autre terre, ils expliquent cette théorie par :
- leur situation géographique
- leur histoire migratoire qui "coulerait du sud
vers le Nord", répandant ainsi la civilisation
- un parallèle entre l'absence d'écriture
de leur langue et la disparition de l'usage des hiéroglyphes
(ceux-ci servaient à écrire le nubien)
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Quant à la nouvelle génération,
elle se définit nubienne, non pas en évoquant la terre
de Kom Ombo, mais celle sous l'eau, celle du fameux "Pays d'en
Haut". Les Anciens ont donc réussi à transmettre
aux jeunes leur culture.
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Loin
des lobbys et des lubies,
la Nubie
m'env-anime
de son souffle immobile et riant.
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Les
Nubiens ne sont pas miens, seulement mon héritage,
mon partage d'espace et de temps
cette éternité infinie qui me laisse nu,
sans rien.
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Les
sens émus, je suis bien
et subis la Nubie,
demandant en mirage
le fleuve et son désert,
les rives sourieuses
et leur foule langoureuse. |
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Fille
subtile du Nil,
la Nubie
se paye ma fête
rubis sur l'onde.
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Quelques
termes :
Migration : déplacement de
population dans l'attente ou l'espoir de retourner au pays
Transfert : déplacement de population
sans aucun espoir de retour au pays
Nubiologie : données archéologiques
et historiques de la Nubie
Nubianité : recherche de l'identité
du peuple
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