Occupation de l'espace

 

"L'archéologie a repêché la culture des pierres, pas celle des hommes"

Jérôme Neutres

Ayant définitivement quitté leur terre pour se retrouver casernés dans ces installations planifiées, les Nubiens se trouvent très vite confrontés à la dure réalité.

Pour les Nubiens égyptiens, la cité idéale miroitée par Nasser est un fiasco. Les lotissements planifiés, soit 47 villages (naga) regroupés en 21 agglomérations (nahia) ont certes été élaborés dans un souci de respect de l'identité spatiale du Haut Pays. Les groupes ethniques sont installés de la même façon : les Fedija au Sud, les Arab au centre et les Kenutz au Nord. Mais ces naga, "tous raccordés à une route bitumée qui ceinture le croissant nubien" (cf. V. Lassailly-Jacob) de Kom Ombo sont construits sur un plan orthogonal, sans aucun respect de l'espace séparant autrefois chaque hameau, chaque habitation.

Les installations planifiées répondent avant tout aux nécessités économiques : les maisons sont accolées les unes aux autres et les rues se croisent à angle droit ! Les familles sont donc regroupées en fonction de leur taille et non en fonction de leur lien de parenté ! Certains naga disparaissent alors, le nom ne restant que dans la mémoire des anciens.

Village traditionnel nubien

Photo de Daniel Couturier

Ces villages sont cependant équipés d'électricité, d'adduction d'eau potable, de services publics ( poste, école, centrale téléphonique, hôpital ou séminaire pour certain), apportant un nouveau mieux-vivre aux Nubiens. Mais si l'agencement des nahia a été relativement respecté, ce n'est pas le cas pour les nag'a. Comme nous l'avons vu plus haut, la tradition résidentielle est complètement occultée.

Les lotissements remplacent les villages aux maisons coiffées de coupoles. Les habitations, plus petites que celles du Haut Pays, ne sont d'ailleurs pas toutes terminées lors du transfert et l'eau n'arrive pas encore partout. Les maisons construites sur les terrains argileux s'enfoncent dans la terre. Beaucoup se révéleront par la suite inadaptées au climat.

Petit à petit, les sédentaires remanient leur environnement. Ils s'approprient les espaces inoccupés et modifient l'architecture, réinstaurant progressivement leur tradition, nihilant très rapidement ce "moule" stéréotypé gouvernemental ! Les familles essaient de se regrouper, protégeant leur intimité : des jardins potagers sortent des terres, les enclos pour le bétail se multiplient à l'extérieur des habitations.

Les murs de béton sont surélevés, isolant davantage les famille. Les cours sont ombragées par un toit de nervures de palmes tissées, créant un peu de fraîcheur dans ces logements inadaptés à la chaleur. Les façades sont décorées, rappelant dans une frise ou dans une volute, "le pays d'en haut", les larges bancs traditionnels (les mastaba) réapparaissent devant celles-ci.

Photo de Daniel Couturier

Photo de Simone Gonzales

Toutes ces transformations redonnent aujourd'hui aux villages gouvernementaux une identité nubienne reconstituant un "paysage habité familier".

Le Haut Pays n'est plus.....mais Nasser, au nom du progrès, n'a pas définitivement détruit la Nubie ! Elle est là avec ses hommes fiers et courageux, avec son espace et ses traditions !

L'identité nubienne n'appartient pas encore au passé !

 

Je remercie Catherine BUFFARD et Simone GONZALES, qui par leurs photos, nous transmettent cette atmosphère nubienne que je vous invite à partager dans le Diaporama

 

Mes sources

  • Mémoires du Nil : Frédérique FOGEL
  • Les cahiers d'Urbama N ° 7 : Aménagement planifié, aménagement remanié (Nouvelle Nubie, Égypte) Véronique LASSAILLY-JACOB

 

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